The Apprentice de Ali Abassi : critique

Publié par CineChronicle le 17 octobre 2024

Synopsis : Véritable plongée dans les arcanes de l’empire américain, The Apprentice retrace l’ascension vers le pouvoir du jeune Donald Trump grâce à un pacte faustien avec l’avocat conservateur et entremetteur politique Roy Cohn.

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The Apprentice - affiche

The Apprentice – affiche

À quelques semaines des élections présidentielles américaines, le timing de The Apprentice peut paraître suspect à bien des égards, mais ce projet est en développement depuis près de six ans. Il est le fruit du travail du journaliste Gabriel Sherman à l’écriture du scénario. Celui-ci s’était déjà attaqué à une autre figure controversée avec le livre biographique The Loudest Voice in the Room (2014), qui retrace la carrière de l’ancien président de Fox News, Roger Ailes. Accusé de harcèlement sexuel par de nombreuses employées de la chaîne, et dont le sujet a été exploré dans Scandale de Jay Roach, ce dernier est aussi un proche conseiller de Donald Trump, finançant une partie de sa campagne en 2016. Il faut dire que The Apprentice a subi de nombreuses pressions de l’équipe de l’ex-président, ce qui a valu au film des difficultés pour trouver un distributeur aux États-Unis et un réalisateur pour s’attaquer à ce sujet épineux. C’est finalement le méconnu Ali Abbasi, réalisateur dano-iranien, avec trois long-métrages à son actif (Shelley, Border, Les Nuits de Mashhad) et deux épisodes de The Last of Us, qui s’est lancé le pari de mettre en scène cette histoire. The Apprentice retrace l’ascension d’un jeune Donald Trump dans le New York des années 70-80 et de sa relation avec l’avocat véreux Roy Cohn, qui va faire figure de mentor à l’homme d’affaires en nouant un pacte faustien.

 

Sebastian Stan et Jeremy Strong - The Apprentice de Ali Abassi

Sebastian Stan et Jeremy Strong – The Apprentice de Ali Abassi

 

Avec ce film, Abassi réussit à dépasser le cadre du simple biopic pour nous proposer un (faux) rêve américain revisité, calquant l’ascension de son personnage sur la création d’un monstre. À travers la relation de ces deux figures antipathiques, il nous présente une fresque de l’Amérique, explorant les travers de son système ultra capitaliste et libéral qui dénonce certains de ses piliers : le politique, la justice et les médias. Le film, à l’apparence d’un show télévisé des années 70 (utilisant un filtre VHS et le format 16 mm), nous rappelle que l’image de Donald Trump s’est popularisée par ce biais. Le titre reprend d’ailleurs le nom de la téléréalité dans laquelle il était l’intervenant principal, “virant” des gens à chaque émission pour offrir au gagnant un contrat dans l’une des sociétés du groupe.

 

Le long-métrage, scindé en deux parties, dresse un parallèle sur les destinées de ces deux personnages, et montre le rapport de force et de domination qui s’installe entre eux. Dans la première, le jeune Donald Trump inspire la sympathie, plein d’ambitions mais encore trop « tendre » et mal à l’aise dans le milieu des affaires. Il va se prendre d’admiration pour Roy Cohn, avocat aux méthodes brutales, présenté comme l’incarnation du diable et d’un système corrompu. Il est celui qui tire les ficelles en manipulant les politiques, en faisant chanter les juges. Un homme prêt à tout pour gagner, quitte à employer des moyens illégaux. Pour incarner ce personnage profondément raciste, homophobe (qu’il est lui-même) et dénué d’empathie, Jeremy Strong (Succession) arrive à lui donner vie par un jeu de regards et surtout une gestuelle marquante.

 

Sebastian Stan et Maria Bakalova - The Apprentice de Ali Abassi

Sebastian Stan et Maria Bakalova – The Apprentice de Ali Abassi

 

Mais la créature que Cohn crée échappe peu à peu à son contrôle dans la seconde partie. Trump, avide de pouvoir et par opportunisme, va repousser les limites pour mieux se hisser au sommet. Son appétit dévorant pour l’argent et le succès s’illustrent par son changement d’apparence et ses méthodes. Il se réapproprie les règles de la réussite de Cohn, tente d’extorquer la fortune de son père souffrant et souhaite écrire son histoire à son image, selon sa vision des choses en utilisant différents médias.

 

Il assoit ainsi peu à peu sa domination sur les autres et aspire la force vitale de son mentor, illustrée par la maladie que celui-ci contracte, au fur et à mesure de ses ambitions grandissantes. Mais aussi de celle de son épouse, Ivana (Maria Bakalova), qu’il appréciait pour son franc parler mais qu’il viole pour avoir remis en cause sa virilité. Sebastian Stan (Pam & Tommy, le soldat de l’hiver du MCU) se glisse admirablement dans la peau du personnage, qui sans trop en faire, arrive à nous le rappeler à travers à toutes ces mimiques.

 

En toile de fond, la ville de New York, en pleine transformation, est filmée sous tous ses angles par Abassi. Donald Trump déambule au milieu du bruit des klaxons et des volutes de fumées, fréquentant ses habitants et levant constamment la tête vers le haut. La ville est ensuite montrée à travers les grandes baies vitrées des penthouses ou de son bureau au cœur de la Trump Tower, et par des plans aériens. Ali Abassi dresse ainsi un constat peu flatteur de l’Amérique capitaliste, nous présentant un personnage qui, perverti par un système, en devient la caricature. Le business, poussé à l’extrême et lancé dans la recherche effrénée du profit, est poussé à son paroxysme où tout n’est qu’affaire de transactions, comme son contrat de mariage avec Ivana.

 

Florian Rouaud

 

 

 

  • THE APPRENTICE
  • Sortie salles : depuis 9 octobre 2024
  • Réalisation : Ali Abassi 
  • Avec : Sebastian Stan, Jeremy Strong, Maria Bakalova, Martin Donovan, Catherine McNally, Charlie Carrick, Ben Sullivan, Mark Rendall, Joe Pingue, Jim Monaco, Bruce Beaton, Ian D. Clark
  • Scénario : Gabriel Sherman
  • Production : Ali Abassi, Daniel Bekerman, Julianne Forde, Jacob Jarek, Louis Tisné, Ruth Treacy
  • Photographie : Kasper Tuxen
  • Montage : Olivier Bugge Coutté et Olivia Neergaard-Holm
  • Décors : Aleksandra Marinkovich
  • Costumes : Laura Montgomery
  • Musique : Martin Dirkov
  • Distribution : Metropolitan FilmExport
  • Durée : 2 h

 

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