Synopsis : Durant l’été 1989, Lyle et Erik Menendez, deux frères, ont assassiné leurs parents José et Kitty Menendez dans leur villa de Beverly Hills.
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La vérité n’est jamais aussi simple. Cette phrase, prononcée à plusieurs reprises pendant la deuxième saison de l’anthologie Monstres, créée par Ryan Murphy (American Horror Story, Hollywood) et Ian Brennan (Glee), illustre parfaitement les questionnements qu’elle soulève. À savoir tenter de comprendre ce qui a poussé Lyle et Erik Menéndez, alors âgés respectivement de 21 et 19 ans, à commettre un parricide et nous questionner sur la véritable nature des monstres. Le 20 août 1989, José Menendez (Javier Bardem), homme d’affaires et entrepreneur à succès, et son épouse Kitty (Chloë Sevigny) sont sauvagement assassinés à leur domicile de Beverly Hills par leurs fils Lyle (Nicholas Alexander Chavez) et Erik (Cooper Koch). Arrêtés peu de temps après, les deux frères, dont le procès sera l’un des premiers bénéficiant d’une couverture médiatique nationale, plaident la légitime défense. Ils affirment avoir subi de nombreux abus psychologiques, physiques et sexuels de la part de leurs parents, et plus particulièrement de leur père. Leur mère, négligente et peu aimante, n’aurait rien fait pour l’empêcher, noyant son existence dans l’alcool et les médicaments. Ils auraient donc été poussés au meurtre, craignant pour leur vie. Après une première saison qui a marqué les esprits en 2022, retraçant la vie et les crimes de Jeffrey Dahmer (parfaitement incarné par Evan Peters), Netflix a rapidement lancé des suites. Bien que sujette à controverse, notamment de faire l’apologie des criminels, de retracer des faits mensongers ou de relancer une fascination morbide, la série apporte des éclairages nouveaux, décortiquant la psychologie des personnages et ce qui a pu les façonner au sein de l’environnement familial, des médias et de la société. Les thèmes principaux dans Dahmer sondaient le racisme et l’homophobie qui gangrénaient la société américaine des années 1970-80. Avec l’affaire Menendez, il s’agit du rêve américain, de l’argent et du pouvoir à travers une masculinité extrême, toxique et autoritaire.
Ici, Murphy et Brennan décident de prendre le spectateur à contrepied. Si Monstres : L’histoire de Lyle et Erik Menendez suit le même procédé narratif non linéaire en explorant la psychologie profonde des personnages, Jeffrey Dahmer était un tueur en série. Ce qui n’est pas le cas pour les deux frères. La troisième saison retournera dans cet univers sordide avec Charlie Hunnam (Sons of Anarchy, Pacific Rim, The Gentlemen) dans la peau de Ed Gein, serial killer américain, qui a sévi dans les années 1950.
Par ailleurs, bien que cette histoire de la famille Menendez ait eu une forte répercussion outre-Atlantique, elle reste assez méconnue du grand public. En ce sens, Murphy et Brennan misent sur des acteurs inconnus pour les interpréter. Nicholas Alexander Chavez et Cooper Koch font un excellent travail, transmettant les émotions et la complexité de cette fratrie. Le traitement médiatique de l’affaire est également un point important de la série. Il est notamment mis en parallèle avec le procès du siècle, celui d’OJ Simpson, ultra médiatisé et qui sera libéré malgré des preuves accablantes. La popularité du sportif professionnel et acteur de cinéma peut expliquer la rapidité de son cas (un an et demi pour Simpson contre cinq ans pour les Menendez) et a surtout laissé un doute sur l’impartialité du verdict.
Dans cette saison, on troque ainsi l’ambiance angoissante, anxiogène et sordide de Jeffrey Dahmer pour le strass et les paillettes de la bourgeoisie américaine des années 1990. Tout est parfaitement retranscrit, que ce soit du point de vue des décors, des costumes, de la musique et de l’utilisation d’un filtre de caméra vieilli. La série joue également sur la sexualisation de ce duo de personnages entre nudité et torses huilés et transpirants.
Le culte du corps et de l’homme parfait est un sujet vécu à travers José Menendez, qui compare souvent sa vision de la masculinité aux Romains et aux Grecs de l’Antiquité, lui permettant de justifier les violences qu’il fait subir. Javier Bardem (No Country for Old Men, Mother!, Dune : Deuxième partie) incarne à la perfection cette figure du père dominateur, manipulateur et homophobe. Chacune de ses présences à l’écran est marquante.
Dans la continuité de Dahmer, les créateurs démarrent ainsi par le meurtre des parents pour ensuite prendre le temps de dérouler et de décomposer l’histoire des personnages. Le montage dynamique entre passé et présent joue à plein, sans jamais perdre le spectateur, et met en place le cœur du sujet : la vérité et son interprétation. Le récit nous plonge dans un doute permanent vis-à-vis des protagonistes.
Murphy et Brennan invitent à la réflexion, prenant un malin plaisir à nous orienter sur de fausses pistes : d’abord criminels impulsifs dans les deux premiers épisodes, puis victimes d’abus dans les suivants, jusqu’au point culminant et émotionnel de l’épisode 5. Un puissant plan séquence de 35 minutes pratiquement fixe de l’interrogatoire d’Erik par son avocate Leslie Abramson (excellente Ari Graynor), vue de dos.
La caméra de Michael Uppendahl (réalisateur de l’épisode) se rapproche lentement du visage d’Erik à mesure de ses confessions sur les sévices subis durant sa jeunesse. L’épisode 5 est une véritable bascule au sein de la série. Il met également en lumière l’incroyable travail de l’acteur Cooper Koch qui mérite d’être récompensé pour sa performance.
La seconde partie, centrée sur le premier procès des frères, vient ensuite remettre en question les certitudes. Elles montrent divers points de vue et rejouent la scène du meurtre sous différents angles. L’exemple le plus parlant est celui du chroniqueur, auteur et producteur Dominick Dunne, père de Dominique Dunne, actrice de 22 ans assassinée par son ex-petit ami John Sweeney après le tournage de Poltergeist, et qui a couvert l’affaire des Menendez. Il vient ici remettre en cause la parole des deux frères avec pour motif principal du meurtre, l’argent. Il soupçonne et revendique également une relation incestueuse entre les deux frères.
Monstres : L’histoire de Lyle et Erik Menendez s’efforce ainsi d’examiner les multifacettes de l’histoire de ce double assassinat entre perspectives et points de vue des victimes, des agresseurs et du système judiciaire. L’approche des showrunners s’ouvre à davantage de nuances, sans jamais excuser les faits. La série explore les zones grises de la moralité et de la responsabilité, donnant de la crédibilité à la parole de jeunes hommes qui peuvent être victimes de violence en tout genre.
En parallèle, Netflix continue d’ailleurs de sortir des documentaires en complément de ses œuvres de fiction. C’était déjà le cas de Dahmer avec Jeffrey Dahmer – Autoportrait d’un tueur. Mais aussi pour le film Extremely Wicked, shockingly evil and vile, avec Zac Efron dans le rôle de Ted Bundy. Ici, la plateforme de streaming a sorti ce lundi 7 octobre le documentaire sobrement intitulé Les Frères Menendez, qui leur donne directement la parole.
Si la série a vivement été contestée par les frères eux-mêmes, elle permet de remettre en lumière cette affaire. En ce sens, de nouvelles preuves ont été examinées et vont faire l’objet d’une nouvelle audience fin novembre prochain. Une première demande avait été sollicitée par les frères en 2023, suite à la diffusion du documentaire Menendez + Menudo : Boys Betrayed dans lequel le chanteur Roy Rossello accuse lui aussi José Menendez d’abus sexuels.
Avec son anthologie Monstres, Netflix tient probablement ici le digne successeur de Mindhunter, aujourd’hui considérée comme l’une des meilleures séries de la plateforme.
Florian Rouaud
- MONSTRES : L’HISTOIRE DE LYLE ET ERIK MENENDEZ (Monsters: The Lyle and Erik Menendez story)
- Diffusion : depuis 19 septembre 2024
- Chaîne / Plateforme : Netflix
- Créateurs : Ryan Murphy et Ian Brennan
- Avec : Cooper Koch, Nicholas Alexander Chavez, Javier Bardem, Chloë Sevigny, Ari Graynor, Nathan Lane, Dallas Roberts, Jason Butler Harner, Leslie Grossman, Jeff Perry, Marlene Forte, Jade Pettyjohn, Tanner Stine, Enrique Murciano, Larry Clarke
- Durée : 9 épisodes de 45 à 63 minutes