Synopsis : Évocation de Douglas Kenney, cofondateur avant-gardiste du célèbre magazine humoristique américain « National Lampoon ».
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Il existe à Hollywood deux écoles qui s’opposent dans le genre du film biographique. Il y a le biopic que l’on pourrait qualifier de psychologique, où le portrait du héros prend appui sur un événement traumatique qui sous-tend la trajectoire du personnage et résonne tout au long de l’évocation exhaustive des grands évènements de sa vie. L’autre approche consiste à se concentrer sur une période donnée de la vie du héros, une période significative, apte à symboliser ou tout du moins, à éclairer de sa lumière particulière une existence toute entière. Une drôle de fin, production Netflix, semble d’abord vouloir éviter ces deux normes qui charrient leurs lots de clichés. Le récit, inspiré du livre A Futile and Stupid Gesture: How Doug Kenney and National Lampoon Changed Comedy Forever, dresse le portrait de Douglas Kenney. Ce talent comique, incarné ici par Will Forte, a cofondé le magazine satirique National Lampoon, écrit et joué dans American College (Animal House) de John Landis, Le Golf en Folie (Caddyshack) de Harold Ramis, et a permis à des génies comiques, comme John Belushi, Harold Ramis et Chevy Chase, de rejoindre le légendaire Saturday Night Live créé par Lorne Michaels. Il est décédé le 27 août 1980 à l’âge de 33 ans d’une chute d’une falaise, tel qu’il a été annoncé par la police. Le titre du film en version originale, A Futile and Stupid Gesture, est une citation tout droit tirée de American College. S’ouvrant précisément sur le traumatisme d’enfance qui expliquerait le personnage (la mort de son frère quand il était enfant), le film est interrompu par un narrateur extra-diégétique qui nous est présenté comme le réel Douglas Kenney commentant sa propre biographie. Face caméra, celui-ci récuse l’intérêt de l’approche psychologisante et nous plonge immédiatement au cÅ“ur de son histoire, la création de son magazine devenu culte dans les années 70 qui a eu un réel impact sur la comédie méta américaine. Ainsi s’amorce la première moitié du film, la plus enlevée, portée par l’énergie et l’exubérance des personnages. On y suit les tribulations des deux fondateurs et de leurs équipes, narrées avec un certain talent pour le gag et un sens du rythme.
Déroulant diverses saynètes cocasses qui retracent les heures de gloire du National Lampoon, Une drôle de fin fait aussi le portrait en creux d’une Amérique en pleine mutation, qui porte aux nues des marginaux sans respect des convenances qui auraient sans doute été considérés comme des parias une décennie plus tôt. Passé cette première partie prometteuse, le film est rattrapé par les clichés qu’il avait si ostensiblement évité dans sa séquence d’ouverture. Le succès aussi immense qu’inattendu de ce rédacteur en chef survolté finit par lui brûler les ailes ; il quitte un moment la rédaction du journal et connaît des périodes de dépression. Le réalisateur insiste alors sur l’arrière-plan psychologique, s’attache à nous montrer son personnage comme un enfant timide souffrant du manque de reconnaissance et d’attention de son père. Le film abandonne alors son ton un brin singulier pour enfiler comme des perles les « passages obligés » du genre : le traumatisme de l’enfance donc, qui nous est finalement montré, la trajectoire de type Rise and Fall, de l’homme à succès rattrapé par ses démons (on n’échappe pas aux séquences des abus de psychotropes). David Wain, le réalisateur, ne tarde d’ailleurs pas à révéler les sources qui pallient son manque d’inspiration, notamment par l’utilisation de la musique. Car sans vouloir préjuger de la célébrité de Plastic Bertrand aux États-Unis, il y a fort à parier que l’utilisation de Ça plane pour moi soit une référence au Loup de Wall Street. Cette référence appuyée trahit l’absence de point de vue d’un metteur en scène dès que le film cesse d’être une succession de gags bien sentis.
Ces réserves faites, il convient néanmoins d’ajouter que la dernière partie d’Une drôle de fin réserve une surprise qui jette une lumière nouvelle sur le récit. Quand Doug Kenney, sombrant de plus en plus dans la dépression, finit par se suicider. Dans cette mise en abîme, on comprend que le narrateur, qui n’est donc pas le réel Doug Kenney aux côtés de Will Forte qui l’incarne, est une version fantasmée de l’homme entre deux âges qu’il serait devenu s’il n’avait pas intenté à sa propre vie. Une mort qui suggère aussi le suicide plutôt que l’accident. Le film dévoile alors une mélancolie jusque-là insoupçonnée, qui fait regretter que son réalisateur ait succombé en cours de route à certaines facilités.
- UNE DRÔLE DE FIN (A Futile and Stupid Gesture)
- Chaîne / Plateforme : Netflix
- Diffusion : 26 janvier 2018
- Réalisation : David Wain
- Avec : Will Forte, Domnhall Gleeson, Natasha Lyonne, Elvy Yost, Joel McHale, Seth Green, Rick Glassman, Emmy Rossum, Jon Daly…
- Scénario : Michael Colton, John Aboud, d’après le livre éponyme de Josh Karp
- Production : Peter Principato, Ted Sarandos, Jonathan Stern
- Photographie : Kevin Atkinson
- Montage : Jamie Gross
- Décors : Jonah Markowitz, Austin Gorg, David A. Cook
- Costumes : Debra McGuire
- Musique : Craig Wedren
- Durée : 1h41